Projet de loi santé : dérives technocratiques et démantèlement de la médecine

29 Mars 2019: Projet de loi santé : dérives technocratiques et démantèlement de la médecine

Les députés ont adopté en première lecture le projet de loi relatif à l’organisation et à la transformation du système de santé. À bien des égards, les craintes du SML sont confirmées. C’est ainsi qu’au fil d’amendements, les périmètres des différents métiers de santé ont été modifiés. Désormais, les sages-femmes pourront vacciner les enfants, les pharmaciens prescrire des médicaments pour des affections dites bénignes et effectuer des vaccinations qui, normalement, font l’objet d’une prescription obligatoire, les orthoptistes pourront adapter les corrections optiques et les infirmiers les prescriptions. Le SML est en profond désaccord avec cette ingérence dans les compétences des différentes professions de santé. Les compétences correspondent à des savoirs et des formations spécifiques. Il ne viendrait pas à l’idée d’un parlementaire de donner au chef de cabine la responsabilité du décollage d’un avion de ligne ! A chacun son métier et les compétences qui vont avec !

À ce rythme, on peut se demander si la conception qu’ont les politiques des médecins n’est pas de les éloigner purement et simplement du soin, afin de leur confier la gestion de la paperasse qu’ils sont en train de créer, comme le projet territorial de santé qui constitue un bijou d’orfèvrerie technocratique, dont on aurait pu faire l’économie.

En matière de bureaucratie, on est en effet servi. Le texte instaure le « projet territorial de santé » (PTS) qui « tient compte des projets des CPTS, du projet médical des groupements hospitaliers de territoire, du projet territorial de santé mentale, des projets des établissements de santé privés, des projets des établissements et services médico-sociaux et des contrats locaux de santé », élaborés entre collectivités, professionnels et ARS. On passera bientôt plus de temps à élaborer des projets « populationnels » qu’à soigner les individus. Les projets des CPTS feront l’objet d’une approbation par le directeur de l’ARS ; la promotion de la santé devient une compétence partagée entre les collectivités locales et l’État ; les collectivités locales territoriales sont associées à la mise en œuvre de la politique de santé ; le conseil territorial de santé, dans lequel figurent les associations et collectivités locales, évalue le PTS… Bref, à force d’associer tout le monde à la politique de santé, les responsabilités sont diluées.

Certes, les médecins ont échappé à certaines contraintes. À cet égard, le SML salue la ministre de la Santé, qui a réussi à sauvegarder la liberté d’installation et la négociation en cours sur les CPTS. L’idée du médecin traitant opposable a été écartée et on revient au dispositif existant, à savoir qu’un assuré en zone sous-dense pourra saisir la caisse d’Assurance maladie pour qu’un médecin traitant lui soit proposé.

Il n’empêche que nombre de mesures majeures sont confiées aux ordonnances, et le SML le regrette vivement : ainsi de la recertification des compétences professionnelles des professions de santé à ordre, ou encore du régime des autorisations d’activités de soins et des équipements en matériels lourds. Ainsi aussi de l’organisation et de la labellisation des hôpitaux de proximité. En ce qui concerne ces derniers, la liste de leurs missions figure quand même dans la loi.

En résumé, le SML est très déçu par cette génération de parlementaires qui promettaient de changer la politique, mais emboîtent le pas de la technocratie et de la bureaucratie. Reste un espoir : le Sénat, dont les élus font généralement preuve de plus de bon sens…


  

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