Dans sa dernière tribune publiée le 30 mars dans le Monde, il expliquait comment la France est passé d’1 milliard de masques à presque rien.
L’économiste de la Santé Claude Le Pen est décédé des suites d’une longue maladie. D’une vivacité de pensée surprenante, Claude Le Pen était un fin observateur du monde de la santé, malheureusement insuffisamment écouté des autorités administratives. Claude Le Pen était en effet très ouvert à tous les secteurs de la santé et il était de ceux qui connaissaient le mieux le monde libéral, l’économie des technologies médicales, et l’économie du médicament. Diplômé de HEC, docteur en sciences économiques, il a co-dirigé le master d’économie de la Santé à l’université Paris-Dauphine.
Dernièrement encore, Claude Le Pen publiait une tribune dans le Monde où il expliquait comment la France s’était trouvée progressivement désarmée face à l’épidémie de Covid-19, alors qu’en 2007, à l’initiative du sénateur Francis Giraud, le gouvernement de l’époque avait adopté une loi, créant l’Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (Eprus). À l’époque, l’Eprus avait pour mission « l’acquisition la fabrication, l’importation, le stockage, la distribution et l’exportation des produits et services nécessaires à la protection de la population » face aux menaces sanitaires graves. En 2007, les moyens mis à sa disposition étaient importants et il était doté d’un budget de 281 millions d’euros. Ainsi, l’établissement disposait, entre autres, d’un milliard de masques chirurgicaux et de 285 millions de masques FFP2 (Olivier Véran ne pouvait disposer que de 120 millions de masques chirurgicaux et d’aucun masque FFP2).
Après la crise H1N1 où il fut reproché à la ministre de la Santé d’alors, Roselyne Bachelot, d’en avoir trop fait, la haute administration a jugé que l’on gaspillait des fonds publics. Peu à peu, le budget de l’Eprus a été rogné, nous expliquait Claude Le Pen dans un article très documenté, et tombait à 25,8 millions en 2015. Les stocks des biens arrivés à péremption n’ont pas été renouvelés. En 2014, la valeur de ce stock (tous produits confondus) était tombée à la moitié de ce qu’elle avait été en 2010.
Pire, en 2015, l’autonomie de l’Eprus a été mise sous le boisseau et l’établissement ne pouvait « réaliser aucune opération d’acquisition de produits de santé sans en avoir préalablement reçu l’ordre par le ministre chargé de la santé ».
Le coup de grâce est arrivé lorsque l’Eprus a été fondu (avec l’InVS et l’Inpes) dans le nouvel institut national de prévention, de veille et d’intervention en santé publique, plus connu sous le nom de Santé publique France, mélangeant des cultures différentes et des objectifs différents. Claude Le Pen évoque le dernier rapport d’activité de Santé publique France qui traite de nombreux sujets, mais passe, en quelques lignes, sur la stratégie de lutte antivirale.
Ce constat, seul un universitaire indépendant et libre d’esprit pouvait le faire.
« Il faudra éviter que l’histoire se répète. Il faudra reconstituer des stocks, renouveler des doctrines, redéfinir les responsabilités et préserver dans la longue, voire la très longue période, ce véritable capital pour la santé publique », écrivait Claude Le Pen.
Les journalistes qui l’ont côtoyé regretteront un homme courtois, toujours disponible et d’une grande clarté dans son argumentation. Le SML regrette l’expert impartial et présente ses condoléances à ses proches et amis.